Maux croisés

Voulais-je dire mots croisés ?

Elle passe assez tard, cette émission, et il ne faut pas s’être trop fatigué dans la journée pour avoir la force de la regarder jusqu’au bout… il ne faut pas non plus avoir à se lever très tôt le lendemain. Elles se veut être une émission débat mais ne se résume le plus souvent qu’au martèlement des idées politiques des invités qui sont plus là pour faire leur propagande que pour débattre réellement.

Les thèmes essaient de coller le plus souvent à l’actualité; mais quelle actualité ? celle qui fait consensus auprès des divers médias, celle que les médias ont choisi de développer, de privilégier, de nous imposer.

Le thème de ce 6 mai n’échappe pas à la règle; c’est un thème, voire une idée qu’on nous impose depuis quelques semaines. Et si on faisait le triste bilan de François Hollande? Pas d’élections à court terme, pas de sommet G7 ou autre dans les jours à venir, l’affaire Cahuzac est retombée, la loi sur le mariage pour tous a été votée, le premier mai est passé, les manifestations du 5 mai ont été traitées rapidement ce dimanche…

Alors les médias décident de faire le point sur cette première année du quinquennat : Hollande, année zéro ? Parfois on mêle les mots acte 1, ou acte 2. Et on ajoute la question: et maintenant ?

gaucheaupouvoir

Il est évident que présenté comme celà, chaque jour qui passe, depuis des mois, il y a de quoi être angoissé, il y a de quoi douter, d’autant plus que la majorité des Français la vivent au quotidien cette crise du monde capitaliste, ce qui est loin d’être le cas de nos charmants invités.

 

André Vallini : sénateur PS de l’Isère, président du Conseil général; tiens, et le non cumul des mandats, c’est pour bientôt?

Il se contentera de répéter que François Hollande n’a trahi aucune de ses promesses et qu’en fait tout est de la faute de Sarkozy. Il condescendra quand même à confirmer que la crise est beaucoup plus grave que ce qu’ils avaient imaginé. Nous voilà rassurés ! Il avoue même qu’il est difficile de gouverner comme un aveu d’impuissance qui n’est pas sans rappeler Lionel Jospin. D’ailleurs pour prendre des décisions, ils se fient aux sondages… nous voilà bien. Et il nous dit celà seulement quelques secondes après avoir condamné le monde politicomédiatique qui était trop court-termiste, le nez dans les sondages. Où elle est la constance? André Vallini nous fait, tout au long de la soirée, la démonstration qu’ils ne connaissent rien mais que, comme ils ont la majorité, ce sont eux qui sont aux commandes et ils peuvent faire ce qu’ils veulent, cohérents ou pas. Il a même des expressions blessantes vis à vis de ses alliés de gauche et des autres partis de gauche (avec les voix desquels Hollande a été élu). Comme ils sont indisciplinés, il faut bien de temps en temps leur donner un os à ronger..; pour faire plaisir aux écologistes… mais c’est quoi cette équipe qui fait comme si elle savait… mais qui fonce droit dans le mur et a complètement oublié qui l’a élue ? Tuer l’investissement local, celui qui créée un travail non délocalisable, au nom de la vertu ! merci le parti socialiste.

Mais c’est vrai, c’est difficile. M. Vallini n’a pas arrêté de dire que c’était difficile mais il dresse quand même un bilan élogieux de ce qu’ils ont cru faire…

Si avant ce débat certains doutaient des capacités du gouvernement à mener une politique capable de nous sortir de la crise, ce n’est pas M. Vallini qui les aura rassurés. Si, si, si ça va mieux, ça ira mieux.

Maux croisés

Monsieur Jacob : un des fers de lance du parti moribond connu sous le nom d’UMP. Son credo: les réformes de structure. Diminuer le coût du travail, continuer à affaiblir les services publics, demander aux salariés de travailler plus et de gagner moins. Pas aussi insensé. Si les ouvriers français acceptaient de travailler sans salaire, les patrons français seraient plus compétitifs. Comment voulez vous que l’économie soit performante si les salariés veulent des augmentations, réclament des droits à l’éducation, à la santé, à la retraite; cela devient invivable pour les entreprises. Revenons à l’esclavage et on retrouvera de la rentabilité, de la compétitivité.  Y’a qu’à regarder en Chine…

 

Monsieur Lagarde : secrétaire général de l’UDI, ce nouveau parti créé par Monsieur Borloo, cet ancien ministre de Sarkozy, qui avait rêvé d’être premier ministre, ce qui avait vexé Fillon, qui avait fait semblant d’hésiter à se lancer dans la campagne présidentielle et qui prépare donc maintenant, peut-être, celle de 2017, commence par déclarer qu’il n’est pas là pour faire le procès de Monsieur Hollande… qu’est-ce que celà aurait été si il était venu pour celà? Mais, lui, il semble l’avoir la solution aux problèmes que vivent les Français. A la télé, sur un plateau, c’est facile… mais dès qu’on lui demande du concret il n’a que des formules toutes faites à nous débiter comme ses explications sur la TVA, dite sociale. Quant aux dix propositions de M. Borloo, dont on finira par ne pas parler au cours de ce débat, il est venu essayer de “les vendre” comme il le dit si bien. Mais les Français, contrairement à ce qu’il semble croire, ne sont pas prêts à acheter n’importe quoi.

 

Jean Vincent Placé : Ecologie… au beau milieu de l’écologie. Donne l’image réelle du parti. Un conglomérat d’idées plus différentes les unes que les autres, une association de personnalités tout à fait à l’opposé, une candidate aux présidentielles qui ne représentait qu’une infime partie de toutes ces idées et une stratégie sans vergogne qui a été payante : qu’importe les idées et les contradictions, l’essentiel est d’avoir des postes, des sièges. Intégré à la majorité présidentielle, il dénonce haut et fort le traité Merkozy que François Hollande a signé et le plus drôle c’est qu’il n’y aura aucune réaction à ces propos dans les jours suivants; aucun remaniement n’est à envisager (pour l’instant). Sans doute n’a-t-il pas tort quand il déclare que le pêché originel de ce quinquennat est la promesse non tenue de renégocier le traité européen. On peut en déclarer un autre: ces arrangements électoraux douteux entre les écologistes et François Hollande avant la campagne et le premier tour de l’élection qui ont amené à ce qu’un parti qui n’atteint pas les 2,5 % de voix au premier tour de la présidentielle se retrouve ensuite avac presque le double de sièges qu’un parti qui avait atteint plus de 11 %.

 

Sophie Pedder : (the economist) Les esprits en France ne seraient pas préparés à des périodes difficiles ! Elle ne doit pas allumer sa télé souvent, cette dame. On n’arrête pas de nous dire que nous vivons au-dessus de nos moyens et qu’il va falloir faire des sacrifices. Mais nous pouvons remarquer le choix judicieux de ce mot : “préparer”. Elle avoue donc que cette histoire de crise, c’est bien une manipulation et que le rôle des médias depuis quelques années est de préparer l’opinion à des heures de sacrifices car pour que les “banksters” continuent à se goinfrer, il va bien falloir que le peuple paye. Cette dame reproche à Hollande d’avoir créé un peu d’espoir. Elle préfère les décisions réalistes de Mme Tatcher, peut-être… puisqu’elle parle même de ces trente dernières années. Ils vont beaucoup mieux que nous, les Anglais, malgré la période sombre des sacrifices tatchériens ?

 

Edwy Plenel : venu là pour nous rappeler que lui et Médiapart existent encore et toujours même si on parle beaucoup moins de l’affaire Cahuzac sur laquelle il saura revenir. Son analyse en trois points de la désillusion des électeurs qui ont voté Hollande reste assez pertinente. Il explique très bien également le grand écart entre le discours électoral et les actes qui suivent l’élection, quel que soit le camp qui a gagné. Quant à sa croisade contre les paradis fiscaux, contre la finance mafieuse, la véritable responsable de la crise, elle est des plus légitime. Mais hélas pour nous, Monsieur Plenel n’est pas un politique et n’a pas le pouvoir. Du moins a-t-il, ce soir, éclairé un peu nos lanternes.

 

J’espère que le gouvernement saura tenir compte des avertissements qui lui ont été donnés. Certaines choses, et en particulier la manière d’exercer le pouvoir, peuvent être corrigées rapidement, ne serait ce pour ne pas devenir une caricature de celui qu’ils ont tant critiqué. Quant à la politique d’austérité voulue par les néolibéralistes allemands, il est encore temps de dire que les Français n’en veulent pas et si M Hollande veut l’appui du peuple pour peser dans les instances décisionnaires, qu’il nous appelle à l’aide avant qu’il ne soit trop tard.

Cette crise a bien été créée par les abus de la finance internationale; ce sont eux qui la font durer pour ne rien perdre et pour continuer à s’enrichir toujours plus vite et toujours plus. Les Français, en 2005, avaient dit NON à cette Europe des banquiers. Il est vrai qu’au même moment, M. Hollande demandait aux Français de voter oui. Après 2007, M. Sarkozy a bafoué le vote des Français. M. Hollande devait renégocier. Nous l’attendons toujours.

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